« Madame Catherine »,
entourés de quelques migrants africains et des Pays de l'Est au camping.
La fondatrice et créatrice de l'Ami partage leur quotidien pendant une
semaine.
Plus de 180 étrangers participent à la cueillette
du muguet à Machecoul. Ils sont encadrés par Catherine Libault, qui
fait de l'intégration des migrants par le travail son combat.
16 h 30, la journée de cueillette du muguet s'achève. Au camping de
Machecoul, Catherine Libault, aidée de deux amies, prépare un boeuf
bourguignon... pour 187 couverts. Ce soir, comme chaque jour pendant une
semaine, la fondatrice et directrice de l'association nantaise Ami
(Accompagnement Migrant Intégration) partagera son repas avec les
migrants qui participent à la cueillette à la Haute-Pommeraie.
Ces travailleurs étrangers rentrent au camping, certains fatigués, d'autres le dos endolori, mais tous avec le sourire. « Cette semaine de boulot, c'est des vacances pour eux, explique Catherine. Ils ne galèrent pas pour trouver un logement le soir ; l'ambiance est conviviale ; et ils peuvent travailler ! »
« Ça me fait plaisir de gagner de l'argent (N.D.L.R., 9 € de l'heure), confie cet enseignant de La Guinée-Conakry. Il me servira à payer l'avocat pour régulariser ma situation. Ici, on est très bien accueilli. » Une bouffée d'oxygène dans une vie d'exclusion.
Âgés de 25 à 35 ans, ils viennent de Tchétchénie, d'Arménie, du
Congo, de Centrafrique... d'où ils fuient des problèmes politiques,
ethniques ou religieux. Dans leur pays, certains étaient ingénieurs,
architectes, avocats, ou encore sages-femmes.
De l'argent pour payer les avocats
24 nationalités se côtoient sur le campement de 33 tentes. Une
trentaine d'entre eux est aussi hébergée chez l'habitant. Dans les
allées du camping, Catherine, 50 ans, est sollicitée toutes les cinq
minutes, un peu comme une mère. « J'ai été piqué par quelque chose, ça me gratte », dit un Africain. « Vous avez des chaussures ? »,
interroge une femme des pays de l'Est, en lui montrant ses sandales.
Ils la connaissent tous ; elle connaît chacun de leur prénom. À
l'association, cette juriste de formation s'occupe du suivi juridique de
leur dossier. On l'appelle « Madame Catherine ».
Ce petit bout de femme sait se faire respecter. « Ils savent qu'ils sont radiés s'il y a un problème ! »
Son association, qui vit avec de faibles moyens, aide les étrangers à
s'intégrer en rendant certaines activités obligatoires : cours de
français, instruction civique et sport. Elle se bat surtout pour leur
droit au travail.
Demandeurs d'asile, réfugiés, étrangers munis d'un titre de séjour,
ils sont plus nombreux d'année en année à se voir proposer un contrat
saisonnier. « Nous avons commencé la cueillette il y a cinq ans,
avec deux migrants. En 2008, ils étaient une quarantaine. Aujourd'hui,
187. » L'employeur éprouve de plus en plus de difficultés à trouver sur place la main-d'oeuvre nécessaire. « Très peu de chômeurs sont intéressés par ces contrats courts et fatigants », précise Catherine.
Une dérogationpour le travail saisonnier
Elle porte cette « chaîne de la solidarité » à bout de bras. Plusieurs « partenaires »
interviennent aussi : le maraîcher, Jean-François Vinet, loue des
navettes. La Banque alimentaire fournit la nourriture. La Croix Rouge,
des tentes. Le maire prête tables et chaises. L'inspection du travail
valide les contrats de travail en 48 heures. Et surtout, la préfecture
accorde aux étrangers un droit au travail, qui leur est refusé le reste
de l'année.
La Loire-Atlantique est l'un des rares départements où ils peuvent
bénéficier d'une dérogation trois fois dans l'année : cueillette du
muguet au printemps à Machecoul, ramassage des pommes à Arthon-en-Retz
et vendanges à Clisson à la fin de l'été.
Sur le campement, parties de foot et éclats de rire ne sont pas
rares. Mardi, ces hommes et ces femmes repartiront à Nantes. Leur
sourire laissera place à la détresse du quotidien. Certains retourneront
dans leurs foyers, d'autres appelleront le 115. Et dans la journée, ils
retrouveront « Mme Catherine » à l'AMI, un peu comme un phare dans cet océan de galère.
Nadine BOURSIER. Ouest-France